15 x 20 cm
120 pages
978-2-84809-257-7
20 €
Parce qu’elle fait entendre aujourd’hui dans sa langue une voix très éloignée de ce que lecteur attend habituellement du lyrisme russe, la poésie d’Anna Glazova surprendra.
Pour dire l’expérience de vivre en ce qu’elle a de plus intense et de plus aléatoire, pour la rejoindre en ses soubassements les plus radicaux, nulle anecdote, nulle confidence, mais une très fine écoute de son battement à la fois le plus intime et le plus présent au grand dehors du monde. Comme l’indique le titre du recueil, l’expérience dont il est ici question est d’abord celle, si difficile à mettre en mots, du rêve et du sommeil, de leurs seuils, confins et alentours étranges. Elle est celle, plus largement, de la vie elle-même en ces régions loin de la conscience où elle fait l’épreuve de sa parenté lointaine avec les mondes minéraux, végétaux et animaux.
Du rêve comme de ces états d’étrangeté à soi dont chacun peut faire l’expérience, ce n’est pas cependant leur contenu, leur signifié « spectaculaire », qui intéresse Anna Glazova. Il ne s’agit pas pour elle de relater tel ou tel rêve, d’en déployer l’histoire et de l’interpréter à des fins d’éclaircissement psychique. L’entreprise est beaucoup plus radicale : elle tente de saisir quelle fibre existentielle y vibre, imperceptiblement, en-deçà de toute signification. Ce qui compte, c’est d’atteindre la matière sensible du sommeil et du songe, d’en épouser par le poème les intensités les plus ténues et les plus mobiles.
Condensation, interruption : l’auteure y parvient au moyen d’une « langue trouée », usant d’un vers elliptique, incisif, énigmatique souvent, qui n’est pas sans rappeler la poétique de celui dont la lecture l’a tant marquée : Paul Celan.